Plateforme Interrégionale Échange et Coopération pour le développement culturel

Agenda 21

L’Émergence de la notion de développement durable

Comment concilier progrès économique et social sans mettre en péril l’équilibre de la planète ?

L'approche globale sur le développement durable vise l'harmonie entre les humains et l'harmonie entre les humains et la nature.

La question de la conciliation entre croissance économique, cohésion sociale et préservation des ressources naturelles est formulée dès 1971 par les experts du Club de Rome, une association privée internationale créée en 1968. Chargés de dresser un inventaire des difficultés auxquelles font face les sociétés, ces experts alertent alors les opinions publiques en publiant un rapport intitulé “Halte à la croissance”. Face à la surexploitation des ressources naturelles, due à la croissance économique et démographique, ils prônent la croissance zéro. C’est dans ce contexte que se tient la Conférence des Nations Unies sur l’environnement humain en 1972, qui s’interroge sur les conditions d’un modèle de développement compatible avec l’équité sociale et la protection de l’environnement et adopte au travers de la « Déclaration de Stockholm» une conception commune et des principes communs qui inspireront et guideront les efforts des peuples du monde en vue de préserver et d’améliorer l’environnement.

En 1987, le rapport « notre avenir à tous » dit Brundtland (du nom de son instigatrice, alors Premier ministre de Norvège, qui présidait la commission mondiale chargée de l’établir) pointe la nature en péril et la pauvreté, avec la nécessité d'une action collective. Il propose une définition du développement durable (sustainable), qui fait encore référence : “un type de développement qui permet de satisfaire les besoins du présent sans compromettre la possibilité pour les générations futures de satisfaire les leurs”.

Deux concepts sont inhérents à cette notion, précise ce rapport :

  • Le concept de « besoins », et plus particulièrement des besoins essentiels des plus démunis, à qui il convient d’accorder la plus grande priorité ;
  • L’idée des limitations que l’état de nos techniques et de notre organisation sociale impose sur la capacité de l’environnement à répondre aux besoins actuels et à venir.

En 1992, la Conférence de Rio sur l'environnement et le développement, sous l’égide des Nations Unies, officialise la notion de développement durable et celle des trois “piliers” (économie, social, environnement) : « un développement économiquement efficace, socialement équitable et écologiquement soutenable ».

Parallèlement à l’ouverture de trois grandes conventions internationales – sur le changement climatique, sur la biodiversité, sur la désertification – les 27 articles de la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement posent les principes du développement durable et d’une action concertée des États et des gouvernements.

L'Union Européenne inscrit le développement durable à son agenda politique et adopte une stratégie lors du Conseil européen de Göteborg des 15 et 16 juin 2001 qui décline des objectifs et instaure un dispositif de suivi et d’évaluation.

La déclaration universelle sur la diversité culturelle de l'UNESCO, adoptée le 2 novembre 2001, indique que la diversité culturelle recouvre « l'ensemble des traits distinctifs esthétiques et humains, matériels ou affectifs qui définissent un groupe humain, avec l'ensemble de ses croyances, de ses valeurs et de son identité ».

Toute l'identité d'un groupe devient un enjeu dans le débat démocratique, quel qu'en soit l'objet, environnement, vie sociale, santé et  y compris sur le plan culturel.

L'enjeu est bien de faire en sorte qu'à chaque niveau de collectivité soit possible la définition d'un « vivre ensemble », en se posant notamment la question de sa durabilité, dans l'esprit de la Déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen (libres et égaux en droits et en dignité).

La déclaration sur le développement durable au sommet de Johannesburg en 2002 précise : « Nous nous engageons à rendre la société mondiale plus humaine, plus secourable et plus respectueuse de la dignité de chacun »

La croissance économique est contrainte par l'évolution de la planète et il y a donc à gérer un conflit d'intérêt inter temporel. Il s'agit de relier des pratiques – de production, de consommation, … – avec les besoins et les capacités des futures générations, donc dans une vision sur le futur de l'humanité, de trouver un compromis entre besoins et désirs (needs et wants).

La pensée globale est concentrée sur l'avenir, en présumant que la société de demain peut et nécessite qu'on s'y intéresse avec toutes les limites liées à cette anticipation.

Un programme d’action international pour le 21ème siècle, dit Agenda 21, a été défini à la suite de ce sommet, avec une déclinaison pour la culture qui tend à devenir le quatrième pilier du développement durable (proclamé le 17 novembre 2010).

La convention pour le patrimoine immatériel de 2003 concerne les pratiques, représentations, expressions, connaissance et savoir-faire que les communautés, groupes et les individus reconnaissent comme partie prenante de leur patrimoine culturel.

La convention prend en considération « le patrimoine culturel immatériel conforme aux instruments internationaux existants relatifs aux droits de l’homme, ainsi qu’à l’exigence du respect mutuel entre communautés, groupes et individus, et d’un développement durable ».

L'Agenda 21 de la culture a été approuvé par la commission culture de Cités et Gouvernements Locaux Unis (CGLU) à Barcelone le 8 mai 2004, comme document d'orientation des politiques publiques en faveur de la culture et comme contribution au développement culturel de l'humanité.

Il se présente en trois parties :

  • Les principes exposent le rapport entre la culture et les droits de l'Homme, la
    diversité, la durabilité, la démocratie participative et la paix ;
  • Les engagements s'intéressent au domaine des compétences des gouvernements locaux et à la demande d'un rôle central pour les politiques culturelles
  • Les recommandations insistent sur l'importance renouvelée de la culture et qu’elle soit reconnue dans les programmes, les budgets et les organigrammes des différents niveaux de gouvernement (local – national) et par les organisations internationales

La Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, adoptée par la Conférence générale de l'Organisation des Nations Unies le 20 octobre 2005, considère que les biens culturels ont une spécificité car ils sont porteurs de sens et de valeur, mais aucun cadre plus large d'intérêt sur ces idées n'est négocié comme condition d'un développement durable. L'Unesco considère que l'activité culturelle prend part à l'activité et au développement économique (par le développement d'emplois, d'activités sur des territoires, …) et l'article 13 de la convention situe l'action culturelle dans le cadre d'une économie créative de développement durable.

Une position politique sur la culture en tant que quatrième pilier du développement durable a été approuvée le 17 novembre 2010 par le Bureau Exécutif de Cités et Gouvernements Locaux Unis (CGLU), dans le cadre du 3° Sommet Mondial des Dirigeants Locaux et Régionaux de Mexico.

Les piliers du développement durable

Le principe des « piliers » du développement durable est une notion répandue, mais leur nombre et leur nature sont définis différemment, selon la posture des personnes ou des institutions et les enjeux, réels ou supposés, que l'on attribue au développement durable.

Si les trois premiers (environnement, cohésion sociale et économie plurielle et responsable) ne sont pas remis en cause, ce qui n'empêche pas qu'ils fassent débat, le quatrième, lorsqu'il est admis, n'est pas clairement défini, tantôt qualifié en termes de gouvernance et tantôt au regard des enjeux culturels.

La reconnaissance de la culture, en novembre 2010, comme quatrième pilier du développement durable apporte un élément nouveau à ce débat.

Un premier pilier environnemental/écologique

Des processus ont amené à la désertification, à la fragilisation, voire la détérioration des biens de l'humanité.

Les enjeux portent sur la réduction de la pollution, le maintien de la biodiversité, la protection de l'eau (2 Milliards de personnes n'ont pas l'eau potable), le réchauffement planétaire, …

Ce pilier renvoie aux modes et aux processus de production, et ainsi au second pilier : l'économie.

L’économie, deuxième pilier du développement durable

Peut-on penser le développement durable indépendamment de la croissance économique ?

Nous sommes en manque d'outils et par conséquent dans un débat public, avec des suggestions que doivent s'approprier les gouvernements locaux : quelles nouvelles ressources naturelles utiliser tout en les préservant (Par exemple : les forêts, à condition qu'elles se renouvellent) ?

Le développement durable amène au débat par absence de connaissance de l'avenir. Il repose essentiellement sur la délibération démocratique.

L'économie plurielle et responsable permet de remettre l'économie au service du projet de société, avec une économie marchande basée sur une mise en perspective qui prenne en compte l'économie publique (la redistribution des biens) et une économie de la réciprocité, dans un nouveau rapport à la consommation.

L'économique de la culture peut s'envisager dans deux approches :

  • La diversité culturelle (Déclaration Universelle de l'UNESCO de 2001 et Convention de 2005) où le développement durable peut revendiquer une diversité de l'offre face aux monopoles de la production et des industries culturelles (cinéma, livre, Majors, …). Les biens culturels ont une spécificité car ils sont porteurs de sens et de valeur, mais cette considération n'est pas allée jusqu'à négocier un cadre plus large d'intérêt de ces idées comme conditions d'un développement durable ;
  • L'économie sociale et solidaire : produire de manière démocratique ensemble, dans la réciprocité entre les personnes, y compris en termes relationnels, pour trouver un juste milieu entre économie de marché et économie sociale et solidaire, porteuse de valeurs sociales et artistiques.

Troisième pilier social

Il a surtout pris corps à travers la question de la pauvreté pour que les initiatives ne l'aggravent pas, mais il prend également en compte la ressource, le processus de participation démocratique sur les questions de démographie, de santé, de jeunesse, …

Il recouvre en somme, les démarches qui aident à amener les personnes et les populations  à contribuer à la vie démocratique :

  • Le développement social au cœur des besoins des habitants dans le monde ;
  • Le respect de l'intégrité culturelle des populations ;
  • Les « établissements humains » (lieux de vie – collectifs) : amélioration des conditions d'activité et de travail, par des coopérations techniques ; la participation de groupes sociaux et leur capacité à exister face à la collectivité publique, selon les valeurs qu'ils portent.

De l’agenda 21 de la culture au quatrième pilier du développement durable

Dans les documents relatifs au développement durable, il n'était quasiment jamais question de culture. Pourtant, le concept de développement durable n’est rien moins qu’un projet de civilisation. Et depuis les débuts de l’humanité, la civilisation est un processus – encore largement inachevé – fondé sur la culture, c’est-à-dire le déploiement de langages articulés, de savoir-faire, de rites, de coutumes, de croyances, de représentations du monde, de dessins, de constructions, de fabrications, d’inventions, d’accumulations de connaissances empiriques puis théoriques, etc… Autrement dit, « la croissance économique, l’inclusion sociale et l’équilibre environnemental ne peuvent à eux seuls refléter toutes les dimensions de nos sociétés mondialisées » (Position politique du 17 novembre 2010).

La spécificité de l'espèce humaine est de comporter des êtres à la fois biologiques et culturels dont le caractère social, c'est-à-dire son rapport aux autres, est médiatisé par la culture. C'est elle qui permet l'effectivité du dessein commun de vivre ensemble. Ce qui fait l'humanité dans l'homme est bien la culture.

La démarche pour un développement durable a placé l'homme au centre de sa problématique.

Toutefois, les trois dimensions fondamentales du développement durable ont été, le plus souvent, prises dans leur acception concernant l'homme comme être essentiellement biologique.

Alors que “développement durable” est un vocable aujourd’hui relativement ambigu, dans la mesure où le terme ” développement ” possède une connotation principalement économique, le développement culturel est tout aussi essentiel pour notre avenir commun.

C'est ce qui a amené la Commission française du développement durable a demander en 2002 de compléter l'approche du développement durable en intégrant la dimension culturelle au même titre que les dimensions économique, sociale et environnementale.

C'est chose faite depuis que l'exécutif du 3e Congrès Mondial de Cités et Gouvernements Locaux Unis réuni à Mexico en 2010 a adopté une Position politique appelant les villes et gouvernements locaux et régionaux dans le monde à :

  • Intégrer la dimension culturelle à leurs politiques de développement ;
  • Développer une solide politique culturelle ;
  • Inclure une dimension culturelle à toutes leurs politiques publiques ;
  • Promouvoir l’idée que la culture est le quatrième pilier du développement à l’échelon international et, notamment, lors des prises de décision politique internationales.

 

Principaux textes de références

Les droits culturels

Déclaration des droits culturels aux acteurs des trois secteurs, public (les Etats et leurs institutions), civil (les Organisations non gouvernementales et autres associations et institutions à but non lucratif) et privé (les entreprises)culturels, en vue de favoriser leur reconnaissance et leur mise en oeuvre, à la fois aux niveaux local, national, régional, et universel.

Déclaration de Fribourg de mai 2007

Avis de la Commission Française du Développement Durable

d’avril 2002 sur la culture et développement durable

Cités et Gouvernements Locaux Unis (CGLU)

4 ème rapport Document approuvé le 1er septembre 2009

3ème rapport Document approuvé le 24 Octobre 2006 à Barcelone, dans la première réunion de la Commission de culture de CGLU